J'aime l'hôpital public de toute mon âme et de tout mon cœur mais après lui avoir donné 16 années de ma vie professionnelle, je viens de prendre la douloureuse décision de le quitter...
Tout au long de ces années, je me suis de plus en plus perçue comme le petit colibri de l'histoire qui tente avec ses moyens, et malgré sa petite taille, de sauver la forêt de l'incendie qui la dévore.
Et nous étions plusieurs...et nous nous serrions les coudes, nous relevant les manches et nous remontant le moral à tour de rôle.
Et nous avons tenu... Longtemps...
Pour nos patients, pour maintenir une qualité de soins, d'écoute et de présence que nous jugions nécessaire...mais à quel prix ?
- Mon salaire a dû augmenter de 4-5% depuis mes débuts mais ce n'est pas la raison principale de ma colère...
- J'ai des horaires atypiques, 12h de suite, des nuits, des week-ends, des jours fériés, des matins de Noël passés dans le service, mais je fais avec et ma famille aussi, je le savais en commençant...
- J'ai des modifications de planning, on me considère comme un pion près à combler une absence, mes congés sont tous planifiés en début d'année après débats et arrangements entre collègues, c'est comme ça que ça fonctionne...
- Ma direction ne sait toujours pas en quoi consiste mon expertise de puéricultrice et ne la reconnaît pas... Je n’apparais pas dans leurs catégories professionnelles. Tant pis, ce qui compte c'est la façon dont je travaille...
- En 16 ans, les tâches annexes à ma profession s'ajoutent : je fais des lessives, des commandes de toutes sortes, je les range, je pousse des fauteuils, je trie des dossiers, je fais du ménage, beaucoup de ménage, je trace tout ce que je fais dans tous les sens, je téléphone, j'attends que la connexion fonctionne pour accéder aux examens, je change les cartouches de l'imprimante, je photocopie les documents nécessaires au fonctionnement du service...
Et au milieu de tout ça, je m'occupe de mon patient, de sa famille, de ses angoisses, je me réjouis des guérisons, j'accompagne les décès et les mauvaises nouvelles...
Et c'est ça MON UNIQUE ET SEULE REVENDICATION : me laisser le temps de prendre correctement en soins mon patient !!!
Aujourd'hui, le petit colibri que je suis a commencé à voir quelques unes de ses plumes brûler... Il faut arrêter alors, pour ne pas y laisser le reste.
Savoir partir, malgré cette tristesse immense, ce sentiment d'abandonner les patients, ce goût de gâchis qui subsiste...
En profiter pour rebondir différemment et utiliser son énergie pour continuer à accompagner tous ces patients, mais autrement.
Les soutenir en parallèle de la prise en charge traditionnelle.
Être là, quand l'hôpital ne peut plus le faire par manque de temps, de moyens, pour raisons administratives et financières.
Et enfin, être de nouveau en adéquation entre sa pratique quotidienne et son éthique professionnelle !
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