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Et que ne durent que les moments doux...

« Ce n’était pas censé se passer comme ça.

Tu n’étais pas censée naître avant d’être prête.

Je n’étais pas censée être mère avant de le devenir. »

(Virginie Grimaldi)

J’ai commencé à en entendre parler sur les réseaux avant sa sortie, puis lorsqu’elle a eu lieu.

Un murmure qui devient un peu plus distinct : « c’est un livre qui raconte l’histoire d’une mère qui le devient pour la première fois et d’une autre qui voit ses enfants quitter le nid ». Ça me touchait cette histoire de maternité : j’étais devenue mère à mon tour, quelques années après avoir observé ma maman nous laisser prendre notre envol à mon frère et à moi.


Et puis, j’ai entendu : « ça parle de prématurité ». Alors je me suis dit, il faut vraiment que je le lise, ce sera mon roman d’été ! Ma gourmandise de vacances… Et comme pour toute gourmandise, je l’ai convoitée.

J’ai attendu début juillet, puis que vienne le moment de préparer ma valise pour aller l’acheter en magasin.

Le plaisir de le chercher du regard au milieu des rayons, sans demander d’aide aux vendeurs pour faire durer un peu ce plaisir d’acheter un livre neuf.

L’acheter.

Relire la 4ème de couverture alors que l’on sait très bien de quoi ça parle.

Faire défiler les pages entre ses doigts, le regard dans le vague entre les lignes, en résistant au plaisir de laisser vraiment ses yeux se poser pour découvrir quelques phrases.

En lire une ou deux, en plein milieu du livre mais très vite le refermer pour ne pas prendre le risque de laisser se dévoiler quelque chose qu’on n’aurait pas dû savoir…

Le mettre de côté, dans la pile de ce qu’il faut penser à prendre pour remplir les valises. Décider de l’oublier un peu pour ne pas l’attaquer trop tôt, car on sait pertinemment que si on commence, on ne s’arrêtera plus avant la fin. Un pressentiment…


Une fois en vacances, prendre le temps.

Lire des magazines sans grand intérêt pour se mettre dans le bain estival.

Puis attaquer par un premier roman qui me glisse déjà avec plein d’humanité et de réalisme dans l’univers professionnel qui est le mien.

Et enfin, ouvrir celui de Virginie…

Déjà conquise par le thème mais légèrement dubitative et se rattachant à l’immense espoir de ne pas être déçue en le lisant.

Que ce ne soit pas fade, trop lisse ou si loin de la réalité…

Que ce ne soit pas seulement un roman d’été.

Comme je l’avais pressenti, j’ai commencé les premières lignes et je n’ai pas réussi à m’arrêter.


Ce livre m’a profondément touchée.

En tant que maman, mais surtout en tant que soignante.

Ce livre, c’est en partie mon quotidien professionnel de ces 16 dernières années.

Lili, c’est toutes les mamans que j’ai accompagnées et pour lesquelles je me suis battue pour que cet accompagnement reste de qualité et humain.


J’avais peur que le récit soit caricatural, superficiel, édulcoré.

Il est concret, profond, encré/ancré dans la réalité de la prématurité et de son quotidien. Il est le récit de quelqu’un qui l’a vécu dans sa chair et dans son âme.


Avec Lili, on met à jour ce que les spectateurs de la prématurité ne voient pas.


Le traumatisme de la naissance tout d’abord, violente, loin de ce que l’on avait prévu pour une première rencontre.

La culpabilité également, immense et douloureuse, qui accompagne chacun des premiers pas en tant que maman.

Mais aussi la recherche de sa place au milieu de tout cet univers ultra-médicalisé, des médecins pressés, de ceux qui ont égaré leur humanité dans toute cette technicité, mais aussi de ces soignantes qui savent tellement bien faire, laissant involontairement penser aux parents qu’ils ne feront jamais aussi bien…


Virginie Grimaldi fait découvrir l’envers du décor souvent méconnu : ces chiffres auxquels on s’accroche, ces premiers bodys mis qui deviennent un symbole victorieux, ces « aides » de la famille qui n’en sont pas réellement, ces liens qui se tissent avec des inconnu.e.s qui feront partie intégrante de cette histoire qui est la nôtre, ces relations de couple à recalibrer car chacun progresse à son rythme sur la route de la prématurité…

Ce roman m’a happé.

J’avais mes réflexes de puéricultrice qui me sautaient dessus. Je voulais glisser des mots à l’oreille de Lili pour l’aider, mieux l’installer pour tirer son lait, la rassurer pour le peau à peau…


J’étais très émue.

Je me voyais dans le service, malgré moi je me projetais dans les soins.

Je n’y étais pas puisque c’était un roman, mais en fait, je n’y étais plus du tout non plus en vrai depuis bientôt 6 mois, date depuis laquelle j’avais refermé mon vestiaire, et cela me manquait terriblement.

De façon très orgueilleuse, je me disais que ma place était auprès de ces parents que je savais si bien accompagner et que je les avais abandonnés.


Une petite boule m’a accompagnée jusqu’à la fin du roman et elle a disparu dans les dernières pages, avec le témoignage de Florence, une des puéricultrices du roman.

Je ne me sentais plus seule et ces dernières lignes m’ont confortées dans mon choix.

J’ai retrouvé un peu de sérénité et énormément de reconnaissance envers Virginie pour avoir évoqué les principaux aspects et différents angles de cet univers.


Il restera peut-être pour beaucoup de personnes comme un roman d’été mais il est infiniment plus car il permet de mettre à jour la réalité de la prématurité dans son quotidien, le vécu de toutes ces personnes qui y sont un jour confrontées.


Il doit traîner dans les services pour que les parents se sentent moins seuls, pour que les soignants sortent de leur routine et améliorent leur prise en charge.

Il devrait être offert aux proches lors d’une naissance prématurée pour éviter les malentendus et permettre de transmettre ce que l’on ne peut pas encore expliquer soi-même.


« Et que ne durent que les moments doux… » Merci Virginie !


Et que ne durent que les moments doux...

Un roman de Virginie Grimaldi

(Edition Fayard)



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